Que la nuit reste bleue
À Vincent Van Gogh
Tout le monde ne peut chanter
Mais tu fais chanter tes pinceaux,
Feux follets échevelés de comètes.
Déboussolé dans ta quête,
Tu peins le village enraciné,
Vertige de l’étoile.
Ô ! Que danse l’éternité
Dans la nuit étoilée.
Eclat sombre d’un nocturne
Au noir fondant velouté,
Hululement taciturne
Bruissement des taillis
Tu peins le giron de la nuit.
Il te plaît d’éclairer la nuit
De ton œil sans sommeil.
La ténèbre est une toile
Au beau fouillis des claires étoiles.
Et tu veilles, ne trouvant nul repos
Si ce n’est de peindre
La nuit intensément bleue
Bleu mystérieux des songes.
Dans un noir si bleu
L’on mourrait sans regret,
Ô juste le temps d’un vœu :
Que la nuit reste bleue.
​
​
Pré vert
Ô qu’elle soit encore bleue la terre
Et que l’on boive à ses amphores !
Notre terre quelquefois si fleurie
Avec les prairies où les bleuets
Pointent au-dessus des barbelés.
Notre planète où les mouettes ne rient plus,
Avec les oiseaux nichés dans les canons rouillés,
La Tour Eiffel embrumée de suie,
Ses fleuves poubelles charriant
Le purin du monde.
Avec ses marais immondes
Où les crapauds ont la frousse
La frousse de coasser en lune rousse.
La terre qui serait combien plus belle
Sans les mines ramassées à la pelle.
Cette bonne vieille terre rasée,
Avec les forêts brûlées,
Le cri des colibris dans leurs nids
Et la foudre qui jamais ne s’abat
Sur les scélérats qui ont fait ça.
Bon dieu ! S’ils pouvaient vendre le ciel
En parcelle ils le feraient.
Avant que la terre crève
Semons dans un coin de pré vert
Les coquelicots de nos rêves.
Extraits de Banquet de mots